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La Tribune

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Tous les vendredis à 11h

Quand Paris accélère pour réguler son nucléaire, Bruxelles freine des quatre fers… 

Marine Godelier

Journaliste Énergie à La Tribune

Dur, dur de défendre son industrie nucléaire dans un environnement peu favorable à l’atome et aux monopoles d’Etat. Alors que la France doit obtenir l’aval de l’Union européenne pour réguler les prix de son électricité nucléaire, le modèle actuel étant à bout de souffle, l’exécutif bruxellois met le holà. Car le système proposé par l’Hexagone favoriserait, selon lui, la position dominante d’EDF. Une ligne rouge pour ce chantre de la concurrence.

En l’espèce, il s’agirait de définir un prix plancher pour la vente des électrons issus des centrales d'EDF. Si les prix de marché venaient à chuter, jusqu’à passer en-dessous de ce plancher, l’Etat comblerait la différence auprès de l’électricien afin de lui éviter des pertes. Mais au grand dam de Paris, le dossier piétine. Aussi bien à la Commission qu’au Parlement, où les rapporteurs espagnols et allemands font barrage. 

Plus surprenant : EDF lui-même tente d’échapper au cadre trop rigide que pourrait lui imposer l’Etat. Car qui dit prix plancher, dit également prix plafond, au-delà duquel la puissance publique ponctionnerait ses éventuelles rentes. De quoi refroidir le groupe, qui fait face à des besoins d'investissements massifs.

Alors que, selon plusieurs sources informées, le sujet devra être tranché d’ici à la fin de l’année pour tenir le calendrier de renouvellement du parc, difficile dans ces conditions de voir émerger un consensus, à moins de trois mois de l’échéance.

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On vous répond

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Le projet Astrid a été arrêté en 2019, au mépris de la loi de 2006. La relance de la R&D sur ce sujet essentiel reste un sujet tabou, absent des réflexions sur la loi de programmation de l’énergie et du climat (LPEC), ni même évoqué lors du dernier conseil de politique nucléaire. Pourquoi ce silence coupable? 

Bonjour Michel et merci beaucoup pour votre question, dont nous allons tenter d’apporter quelques éléments de réponse.

Pour mémoire, le projet de recherche Astrid a été abandonné il y a quatre ans par le CEA. Il consistait à construire un premier prototype de réacteur de quatrième génération,  basé sur la technologie à neutrons rapides refroidis au sodium. 

Cette technologie, sur laquelle la France cumule plus de 70 années de recherche, présente un avantage majeur : la possibilité d'utiliser l'uranium appauvri stocké sur le sol français (environ 320.000 tonnes) et le plutonium comme combustible. Autrement dit : réutiliser les matières radioactives issues de la production électrique du parc atomique actuel. De quoi réduire de manière considérable la quantité de déchets nucléaires, tout en renforçant la sécurité d’approvisionnement de l'Hexagone. Cette technologie de réacteur avancé devait ainsi permettre à la France de tendre vers une logique de « fermeture du cycle du combustible nucléaire », voulue par la loi de 2006.

En 2021, le député Thomas Gassilloud (Rhône - Agir ensemble) et le sénateur Stéphane Piednoir (Maine-et-Loire - Les Républicains) ont rendu public un rapport analysant les conséquences négatives de cet abandon pour la filière nucléaire. Ils proposaient alors de refonder « une stratégie de recherche sur le nucléaire avancé ». 

Depuis la publication de ce rapport, la position nucléaire de la France a largement évolué. L’exécutif a définitivement écarté l’arrêt de 12 réacteurs nucléaires prévu d’ici à 2035, en plus des deux tranches déjà arrêtées de Fessenheim, tandis qu’Emmanuel Macron a acté la relance de l’atome civil, en affichant sa volonté de construire six nouveaux réacteurs de type EPR 2, lors du discours de Belfort en février 2022. 

« Toutefois, on reste sur une conception classique, avec des réacteurs de 3ème génération à eau pressurisée », note le sénateur Stéphane Piednoir que nous avons recontacté. « On ne parle pas du tout du projet Astrid. Il y a vraiment un focus sur la réussite de la construction de ces trois premières paires d’EPR [tandis que quatre autres paires sont actuellement à l’étude, ndlr]. L’exécutif semble avoir du mal à voir au-delà de cette échéance », poursuit le parlementaire. 

Néanmoins, les travaux sur les réacteurs de 4ème génération ne sont pas totalement inexistants en France. Dans le cadre de l’appel à projets « Réacteurs innovants », initié au sein du plan France 2030, une poignée de start-up planchent sur le sujet. C’est le cas notamment des jeunes pousses Hexana et Stellaria, nées au sein du CEA, qui développent respectivement un petit réacteur à neutrons rapides refroidis au sodium et un réacteur à sels fondus. Une technologie sur laquelle s’active également la jeune pousse francilienne Naarea. Enfin, l’italien Newcleo, qui a récemment créé une filiale à Lyon, développe un réacteur à neutrons rapides refroidis au plomb. 

Pas de quoi convaincre totalement Stéphane Piednoir. « Ces startups font avancer la science à leur niveau et je ne critique pas du tout leur travail, mais ce n’est pas du tout la même strate de ce que représentait Astrid, qui était un projet de taille industrielle ».

Enfin, même si le projet Astrid n'a pas été évoqué lors du dernier Conseil de politique nucléaire, qui s'est tenu le 19 juillet, il a été décidé d'un renforcement significatif des effectifs du CEA. Plusieurs centaines de postes devraient ainsi être créés. Un renouvellement des installations de recherche de la branche nucléaire civil de l'organisme a aussi été acté. 

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