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Prix du nucléaire : EDF ne veut pas être sacrifié sur l’autel de la réindustrialisation de la France

Juliette Raynal

Journaliste Énergie à La Tribune

Pas de réindustrialisation verte de l'Hexagone sans une électricité, en particulier nucléaire, compétitive. L’achat d’électrons à un prix abordable est, en effet, une condition sine qua non à l’éclosion des méga-usines de batteries et de panneaux solaires, promises par les nombreux investisseurs étrangers réunis à Versailles mi-mai. L’exécutif en a bien conscience et a commandé, dès les prémices de la crise énergétique fin 2021, un rapport à Philippe Darmayan. Dix huit mois plus tard, l’ex-président d’ArcelorMittal France, poids lourd de la sidérurgie, a présenté ses principales recommandations aux députés. L’ancien dirigeant plaide pour une généralisation des contrats d’approvisionnement de long terme pour les grands consommateurs industriels dans lesquels le niveau de prix serait proche de 42 euros le mégawattheure…

De quoi hérisser les poils d’EDF, pour qui ce tarif est tout simplement inenvisageable compte tenu de sa piètre santé financière et du mur d’investissements auquel il doit faire face. Selon nos informations, le groupe s’agace d’un rapport structurellement déséquilibré et redoute que les modalités de ces contrats, et surtout la fixation du prix, se dessinent dans les couloirs de Bercy et de l’hôtel de Roquelaure, au détriment de sa rentabilité. Alors que Philippe Darmayan appelle à se mettre autour de la table de toute urgence, les négociations promettent d’être particulièrement tendues.

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On vous répond

Pourquoi la France n’exploite-t-elle pas le gaz de schiste présent dans son sous-sol, plutôt que de l’importer ? 

Bonjour Pierre, et merci pour votre question ! 

Vous mettez le doigt sur un sujet très controversé. En France, l’exploitation domestique du gaz de schiste est interdite depuis 2011. Pourtant, avec la crise de l’énergie et l’arrêt des livraisons de gaz russe par pipeline, le pays en consomme de plus en plus. Depuis fin 2021, l’Hexagone a en effet importé plus de 4,5 milliards de mètres cubes de gaz naturel liquéfié (GNL) des Etats-Unis, issu quasi exclusivement de gaz de schiste, selon le média Disclose. Et en mai 2022, le géant Engie, dont l’Etat détient 24,1% du capital, a conclu avec l’américain NextDecade l'achat de 1,75 million de tonnes par an de GNL issu là aussi de gaz de schiste, et ce jusqu’en 2041. De quoi pousser certains observateurs à accuser la France d’hypocrisie, alors même que le gouvernement insiste sur la nécessité de retrouver l'« indépendance énergétique ».

Et pour cause, le pays dispose de gaz de schiste dans ses sous-sols. Même si la quantité reste inconnue, des gisements existent dans le bassin parisien, ainsi que dans le sud-est, entre Montpellier et Montélimar. En 2015, un rapport commandé par Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, estimait ainsi une possible manne financière de 300 milliards d’euros, et entre 120.000 et 225.000 emplois créés sur 30 ans. 

Mais ce même rapport, rapidement enterré, revenait également sur les nombreux risques associés. Concrètement, le gaz de schiste est retenu à grande profondeur et emprisonné dans la roche, contrairement aux gisements dits « conventionnels ». Pour l’en extraire, il faut donc opérer une fracturation de cette roche, la fameuse fracturation hydraulique. Or, cette technique peut engendrer une pollution des nappes phréatiques, accroît les risques sismiques et demande énormément d’eau. Enfin, pour l'extraire, il faudrait créer une plateforme de forage tous les kilomètres. Une configuration envisageable aux Etats-Unis, notamment dans les vastes plaines du Texas, mais bien plus difficilement imaginable en France.

 

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